Bien qu’ayant été adoptée par le parlement européen en novembre 2022, transposée dans le droit français en décembre 2023 et entrée en vigueur en France le 1er janvier 2024, la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) a fait couler beaucoup d’encres et continue de susciter de nombreuses réactions.
La Commission européenne vient de présenter la version simplifiée de la directive en réponse aux constantes attaques subies. Cette version dite « omnibus » vise à simplifier les exigences de rapport en termes de durabilité. Celle-ci a un impact conséquent sur les exigences demandées aux entreprises et, probablement, a long terme, sur l’environnement. Mais nous y reviendrons un peu plus tard.
Qu’est-ce que la CSRD ?
La Directive européenne sur le reporting de durabilité des entreprises a pour but de rendre les sociétés plus transparentes sur leurs pratiques en matière de développement durable. En fournissant des informations fiables et comparables, elle permet aux investisseurs d’évaluer les risques liés au climat et aux enjeux sociaux, et de favoriser une transition vers une économie plus verte.
Que couvre t-elle ?
Les informations demandées se concentrent sur trois domaines : Environnement, Social et Gouvernance. Elles sont définies par les normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards), elles-mêmes classées en deux grandes catégories : informations générales et informations ESG.
Informations générales :
- Gouvernance
- Stratégie
- Identification et gestion des impacts
- Objectifs de durabilité et indicateurs (KPI)
Informations Environnement :
- Reporting climatique
- Données sur la pollution
- Eau et ressources marines
- Biodiversité et écosystèmes
- Utilisation des ressources et économie circulaire
Informations Social :
- Main d’œuvre propre à l’entreprise
- Travailleurs de la chaine de valeur
- Communautés affectées
- Utilisateurs et consommateurs finaux
Informations Gouvernance :
- Conduite des affaires
Pourquoi la CSRD est-elle si critiquée ?
Les controverses entourant la CSRD se cristallisent autour de la complexité et des coûts de mise en œuvre, particulièrement pour les PME, qui craignent une charge administrative excessive. Le risque de désavantage compétitif face à des entreprises internationales moins régulées alimente les débats, tout comme les incertitudes liées à l’interprétation des nouvelles normes ESRS et leur évolution future. Les accusations de « greenwashing » planent, soulignant la difficulté de mesurer objectivement les performances ESG et le manque de confiance potentiel dans les rapports publiés. Sur le plan politique, la CSRD, pilier du Pacte vert européen, suscite des oppositions idéologiques quant au rôle des entreprises en matière de responsabilité sociétale. L’absence d’harmonisation internationale complexifie également la tâche des multinationales, qui doivent jongler avec des réglementations diverses. En résumé, les polémiques reflètent une tension entre impératifs de durabilité et réalités économiques, appelant à un dialogue constructif pour une mise en œuvre équilibrée.
En résumé, voici les principales causes de tension :
Complexité et charge administrative | Risque de manque de compétitivité | Incertitudes et absence de clarté | Débats politiques |
Les entreprises, en particulier les PME, craignent que les exigences de la CSRD n'entraînent une charge administrative excessive et des coûts importants | Certains acteurs économiques estiment que la CSRD pourrait désavantager les entreprises européennes par rapport à leurs concurrents internationaux, notamment ceux situés dans des régions où les réglementations ESG sont moins strictes | Le caractère relativement nouveau de la CSRD et la complexité des normes de reporting peuvent engendrer des incertitudes quant à son application pratique. Il existe des inquiétudes sur le manque de clarté et la rapidité avec laquelle les normes doivent être implémentées | La CSRD s'inscrit dans le cadre du Pacte vert européen, un ensemble de politiques visant à lutter contre le changement climatique. Ce contexte politique peut alimenter des débats et des divergences d'opinions |
Qu’est-ce qui a changé avec l’omnibus ?
Face à toutes ces discussions et potentielles polémiques, le gouvernement a tout récemment mis à jour la directive. D’une part pour la rendre plus lisible et compréhensible et d’autre part pour répondre aux critiques les plus régulières et virulentes. Cette version « omnibus » de février 2025 contient les modifications suivantes :
- 52 000 entreprises européennes (dont 5 000 françaises) étaient concernées. Mais, la mise à jour du décret a mis de côté 80 % de ces compagnies. Dorénavant, seules les sociétés de + 1 000 employés avec un chiffre d’affaires de 50 millions € et/ou un bilan de + 25 millions d’euros seront soumise à celle-ci
- Les exigences de reporting pour les entreprises viennent d’être décalées de deux ans (2028)
- Reduction de la charge des obligations de déclaration de la taxonomie de l’UE
- Suppression des normes sectorielles
- Report d’un an des exigences de diligence raisonnable en matière de développement durable des grandes entreprises
- Fin de l’exigence de diligence raisonnable sur l’ensemble de la chaine de valeur. Elle est maintenant limitée aux partenaires commerciaux directs
- Limitation de la quantité d’information provenant des PME et ETI
- Suppression de l’obligation de mise en œuvre de plans climatiques
- Suppression des conditions de responsabilité civile
- Économie des couts administratifs à hauteur de 6.3 milliards €
Quelles sont les réactions ?
Cette version omnibus de la CSRD n’en finit pas de faire parler les différentes parties engagées.
Pour les entreprises et les organisations patronales c’est plutôt la satisfaction qui l’emporte : « La simplification de la CSRD est un soulagement pour les PME. Elle leur permettra de se concentrer sur leur activité principale sans être submergées par des obligations administratives excessives. » - Un représentant d’une chambre de commerce européenne. « Nous saluons cette décision qui rend la CSRD plus pragmatique et adaptée à la réalité des entreprises, en particulier celles de taille moyenne. » - Un dirigeant d’une fédération d’entreprises.
Autre son de cloche auprès des organisations de la société civile et des défenseurs de l’environnement : « Cette simplification est un recul dangereux. Elle risque de compromettre les efforts de l’Union européenne en matière de lutte contre le changement climatique et de protection de l’environnement. » - Un responsable d’une ONG environnementale.
« Nous sommes très inquiets de voir les normes de durabilité affaiblies. Cela va rendre plus difficile la détection des pratiques de « greenwashing » et le suivi des progrès des entreprises. » - Un représentant d’une association de consommateurs.
Les retours sont plutôt mitiges du côté des acteurs financiers et des investisseurs : « La transparence est essentielle pour prendre des décisions d’investissement responsables. Nous espérons que la simplification de la CSRD ne va pas compromettre la disponibilité d’informations fiables et comparables. » - Un analyste financier spécialisé dans l’ESG.
« Il est important de trouver un équilibre entre la nécessité de simplifier les obligations des entreprises et la nécessité de garantir la transparence et la comparabilité des données de durabilité. » - Un gestionnaire de fonds d’investissement durable.
Enfin, les politiciens abordent une position de défense ou d’explication : « Le débat est aujourd’hui très fort sur le sujet de la simplification de la CSRD, beaucoup d’options sont sur la table ». Pascal Canfin, député européen du groupe Renew, et ex-président de la commission Environnement.
« Le paquet de révision d’aujourd’hui est la première étape de nos efforts de simplification à grande échelle dans tous les secteurs de la législation. (…) Nous pouvons ainsi montrer que l’Europe n’est pas seulement un formidable marché pour investir, produire, vendre et consommer, mais aussi un marché simple ». Stéphane Séjourné, vice-président exécutif pour la prospérité et la stratégie industrielle.
Conclusion
Le cas de la CSRD est symptomatique : bien que sa raison d’être est noble, la transparence en matière de durabilité, sa mise en œuvre soulève plusieurs défis et problèmes potentiels. Mais au-delà de ces considérations techniques, ce sont surtout les diverses réactions suscitées, qui illustrent la difficulté de mettre en place des actions englobant une multitude d’acteurs.
En résumé, la CSRD est perçue par certains comme un fardeau bureaucratique susceptible de nuire à la compétitivité des entreprises, tandis que d’autres la considèrent comme un outil essentiel pour promouvoir la transparence et la durabilité.
Pour en savoir plus sur la Directive européenne sur le reporting de durabilité des entreprises, veuillez consulter notre webinar à la demande.